Quand l'industrie se met au diapason : l’inclusion des personnes en situation de handicap, un levier stratégique
À l’occasion de la SEEPH (Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées), il est plus que jamais crucial de faire le point sur l’emploi des talents handicapés dans l’industrie. Les promesses d’inclusion sont là, les chiffres aussi — mais les écarts persistent. Quel est le réel bilan ? Et comment l’industrie peut-elle tirer parti de cette richesse humaine pour innover et transformer son modèle ?
Handicap : un état des lieux chiffré alarmant, mais porteur d’opportunités
En France, 3,32 millions de personnes disposent d’une reconnaissance administrative de handicap fin 2024, soit 8,1 % de la population des 15-64 ans. Pourtant, parmi elles, seulement 1,35 million sont en emploi.
Du coup, le taux d’emploi des personnes handicapées se montre très en dessous de la moyenne : 39 % de la population reconnue handicapée est en emploi (contre ~68 % tous publics). Le chômage s’avère aussi très élevé : 12 % des personnes handicapées sont au chômage, contre 7 % pour la population générale.
Ces chiffres traduisent un gâchis : des compétences mobilisables, mais un vivier sous-exploité. Notamment dans l’industrie où les besoins de main-d’œuvre sont forts.
Le paradoxe de l’obligation légale dans l’industrie
La loi prévoit que les entreprises de plus de 20 salariés doivent employer au moins 6 % de travailleurs handicapés. Ce qu’on appelle l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés (OETH). Pourtant, d’après la DREES, en 2023, seulement 674 400 travailleurs handicapés sont employés dans les 112 300 entreprises assujetties à l’OETH — cela correspond à un taux d’emploi direct de 3,6 %.
Si on tient compte d’une « majoration » pour les plus de 50 ans (coefficient multiplicateur), ce taux monte à 4,7 %, mais reste loin du quota légal. Ce constat est d’autant plus frappant dans l’industrie : certains secteurs (par exemple, la construction, l’info/communication) ont des taux d’emploi de BOETH très faibles, selon la DREES.
Pourquoi ces écarts ?
- La typologie des entreprises et des secteurs
Les grands groupes affichent des taux plus élevés : selon la DREES, les entreprises de plus de 2 500 salariés atteignent en moyenne 6 % de BOETH, mais les TPE/PME restent en retard.
De plus, la répartition sectorielle est très inégale. Certains secteurs « techniques » ou à forte pénibilité (comme l’industrie manufacturière) semblent moins enclins à recruter des travailleurs reconnus handicapés.
- Le maintien dans l’emploi
Recruter n’est qu’une étape. Maintenir les salariés reste un vrai défi : selon le rapport le handicap en chiffres de la DREES, « Les salariés handicapés sont plus exposés aux risques professionnels (pénibilité, manque d’autonomie, efforts physiques) ». Les entreprises doivent investir pour aménager les postes : équipements, ergonomie, horaires adaptés… Des aides publiques existent, mais ne sont pas toujours mobilisées.
- Un plafond dans les grandes entreprises
Même quand une entreprise atteint les 6 %, cela peut cacher des disparités. Selon la DREES, certaines grandes entreprises y parviennent, mais d’autres secteurs ou divisions restent sous-représentés. C’est d’autant plus juste dans l’industrie où des métiers à forte technicité (maintenance, production, R&D) demandent des efforts d’adaptation que certaines entreprises n’anticipent pas.
La SEEPH comme levier : l’industrie peut s’emparer du sujet
La Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) se tiendra du 17 au 23 novembre. Cette dernière s’affirme comme un moment idéal pour rapprocher les industriels de talents souvent invisibles. À travers des job datings, des ateliers formation, des stands dédiés, la Semaine sensibilise et met en action. Elle permet aux entreprises industrielles de créer des ponts avec des candidats : qu’il s’agisse d’opérateurs, de techniciens, de mécaniciens ou d’ingénieurs, la SEEPH ouvre un canal concret de recrutement.
Par ailleurs, les Plateformes emploi-handicap et les Cap emploi jouent un rôle essentiel en amont et en aval. En effet, elles aident à identifier des postes adaptables, gèrent les démarches administratives et accompagnent le maintien en poste.
Des exemples à suivre dans l’industrie
Certaines entreprises montrent déjà la voie : Des usines mécaniques ou de production créent des référents handicap, évaluent les risques et adaptent les chaînes de montage. Des programmes de tutorat ou de mentorat sont mis en place pour accompagner l’intégration des nouveaux embauchés handicapés. Des plans de formation sur mesure (CAP, Bac Pro, apprentissage) intègrent des aménagements : modules accessibles, formateurs sensibilisés.
À travers la SEEPH, des industriels ont d’ores et déjà réussi à recruter des profils diversifiés (handicap moteur, cognitif, psychique) sur des postes à haute technicité. Cela montre que l’adaptation est non seulement possible, mais bénéfique.
Vers 2030 : une industrie inclusive et performante
L’inclusion comme stratégie de ressource
D’ici 2030, les entreprises industrielles ont une opportunité : transformer l’inclusion des personnes handicapées en un pilier stratégique de leur RH. Cela passe par des plans d’action handicap concrets, avec des objectifs de recrutement, des diagnostics de postes, des formations et un vrai soutien au maintien.
La technologie au service de l’adaptation
L’innovation technologique peut jouer un rôle déterminant :
- Les cobots (robots collaboratifs) peuvent réduire l’effort physique.
- Les exosquelettes permettent d’alléger les tâches lourdes.
- Les outils numériques (IA, réalité augmentée) aident à concevoir des postes plus inclusifs.
Cette transition technologique pourrait réduire la barrière d’entrée pour certaines personnes en situation de handicap, tout en boostant la productivité et la sécurité.
Une RSE ambitieuse à l’œuvre chez RHD
Intégrer le handicap ne doit pas rester une case à cocher : cela doit être un enjeu central de la RSE. Des indicateurs clairs (taux d’emploi, maintien, satisfaction) doivent être mis en place, combinés à des partenariats avec des associations, les Cap emploi, les plateformes spécialisées, et à des campagnes de sensibilisation en interne.
Chez RHD, l’inclusion des personnes en situation de handicap n’est pas un sujet. Depuis plusieurs années, nous collaborons avec des entreprises adaptées pour l’entretien de nos espaces verts, du tri de nos matériaux recyclables et même de nos chocolats de Noël. Toutes les compétences doivent être valorisées. A l’image de l’auteur de ces lignes, Cyril, qui reconnaît que RHD arriverait presque à lui faire oublier son handicap musculaire. Pour moi : « L’écoute, l’accompagnement et le dialogue permettent de construire un cadre réellement inclusif et épanouissant ».
L’industrie peut relever ce défi
Alors que l’industrie traverse une transformation profonde – numérique, écologique, compétitive – l’inclusion des personnes en situation de handicap apparaît comme un levier stratégique : économique, social et innovant. La SEEPH rappelle que l’engagement n’est pas une option : c’est une responsabilité collective.
Pour les industriels, l’enjeu est clair : aller au-delà des obligations, repenser les postes, investir dans les talents et construire une industrie plus inclusive, plus agile et plus humaine. Un pari qui vaut non seulement pour aujourd’hui, mais pour façonner un avenir dans lequel la compétence n’a pas de barrière.